Session de renforcement des capacités des leaders communautaires sur les obligations environnementales et sociales des entreprises minières semi-mécanisées dans la région de l’Est

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Au Cameroun, l’exploitation minière semi-mécanisée dans la région de l’Est est à l’origine de sévères impacts environnementaux : pollution des sols, de l’air et des sources ou points d’eau, érosion des sols, destruction des forêts… Quant aux impacts sociaux, l’activité est responsable de l’expropriation et l’accaparement de terres agricoles et de ressources en eau, à quoi viennent s’ajouter de mauvaises conditions de travail et de vie des communautés, le travail des enfants, et même des décès causés par la non-restauration des sites à la fin de l’exploitation.

Pourtant, les investisseurs miniers au Cameroun sont soumis à des obligations environnementales et sociales garantissant que leurs activités ne nuisent ni à l’environnement, ni aux communautés. Au contraire, ces dernières devraient plutôt en tirer des avantages sur le plan social. Cependant, le contenu des différents textes liés à ces obligations n’est pas toujours maîtrisé par les communautés.

Face à cette situation, le Réseau de Lutte contre la Faim au Cameroun (RELUFA) a organisé, le 27 mai 2022 à la Maison de la Femme à Batouri, dans le cadre du projet LandCam  et d’un cofinancement du Presbyterian Hunger Program (PHP), un atelier dont l’objectif général était de faire connaître aux leaders communautaires les obligations environnementales et sociales des sociétés du secteur de l’artisanat minier semi-mécanisé, tout en leur donnant des outils pour en faire le suivi. A terme, la maîtrise et le suivi de ces obligations par les communautés riveraines des sites miniers du Département de la Kadey devraient contribuer à l’amélioration de leurs conditions de vie.

L’atelier de Batouri a accueilli 26 participants, dont 5 femmes. Ils et elles représentaient le conseil régional de la région de l’Est, la mairie de Batouri, les organisations locales, et les leaders communautaires locaux tels que les autorités traditionnelles et religieuses.
Différents éléments étaient au programme de l’atelier :

  • Une approche interactive des présentations et le partage d’expériences entre toutes les personnes présentes à l’atelier ;
  • L’acquisition de connaissances sur les obligations environnementales et sociales et sur les outils et techniques de suivi de ces obligations sur le terrain ;
  • Le partage de documentation, notamment les présentations et les textes juridiques qui encadrent l’activité minière au Cameroun ;
  • L’identification d’opportunités de soutien de la part du RELUFA en vue d’aider les communautés à défendre leurs droits dans le cadre de l’exploitation minière dans leurs localités respectives.

Le Module I a porté sur les obligations environnementales des entreprises minières semi-mécanisées au Cameroun. Concrètement, il s’agit de l’obligation de réaliser une Etude d’impact environnemental et social (EIES), assortie d’un Plan de gestion environnementale et sociale (PGES) en annexe, ainsi que de l’obligation de mettre en œuvre des mesures de mitigation des impacts socio-environnementaux prévues dans le PGES et de l’obligation de réhabiliter les sites à la fin de l’activité.

Le Module II a porté sur les obligations sociales des entreprises minières semi-mécanisées. Celles-ci comprennent l’obligation de recruter et de former une main d’œuvre locale, l’obligation de garantir des conditions de travail favorables aux travailleurs, l’obligation de s’approvisionner localement, et enfin l’obligation de contribuer au développement local.

Le Module III, sur le suivi de ces obligations environnementales et sociales, a clôturé la session des présentations. Ce suivi consiste en la collecte et l’analyse systématique d’informations pour suivre les progrès réalisés par rapport aux plans établis et vérifier leur conformité avec les normes établies. Il s’agit, en d’autres termes, d’effectuer une veille citoyenne afin de se rassurer que les droits ont été bien pris en compte et sont respectés, et de participer ainsi au suivi du projet, notamment de ses impacts et de la mise en œuvre des mesures d’atténuation de ses impacts négatifs.

A l’issue de ces différentes présentations, les participants ont eu la possibilité de réagir, de partager leurs expériences et de faire des suggestions. On a alors relevé la réticence des entreprises minières à recruter de la main d’œuvre locale. Un participant a déploré la mauvaise foi des nationaux qui, lorsqu’ils obtiennent une autorisation d’exploitation, la revendent aux étrangers, notamment des entreprises chinoises, créant ainsi une opacité sur les propriétaires réels. D’autres ont également fait part de leur ignorance des lois et décrets régissant le secteur minier, et suggéré que l’on mette à la disposition des chefs traditionnels et des communautés le Code minier, ou un document simplifié.

Relativement au suivi, les participants ont presque tous partagé les démarches qu’ils entreprennent pour dénoncer les désagréments et les abus qu’ils subissent du fait de l’exploitation minière. Il s’agit par exemple de plaidoyers auprès d’élus locaux et de parlementaires, ou de doléances faites aux entreprises exploitantes. Ils ont dénoncé que leurs efforts sont parfois torpillés par les militaires, par ailleurs gardiens des sites miniers, et par des interprètes camerounais qui pratiquent le trafic d’influence ou la corruption.

Un autre fait déploré par les participants concerne l’absence de ou le difficile accès aux cahiers des charges des exploitants miniers étrangers qui ne respectent pas leurs obligations, par exemple vis-à-vis de leurs employés (absence de contrat de travail, faible rémunération, licenciements abusifs…). Pour plus d’efficacité, les participants ont suggéré que les actions de suivi, jusqu’ici menées par les leaders communautaires, ne soient plus conduites de façon dispersée et isolée, mais que tous les acteurs de défense des intérêts communautaires (leaders communautaires, chefs traditionnels, OSC, élus locaux et nationaux…) travaillent de manière concertée et collégiale.